Trames vertes : des infrastructures environnementales

Ambre Capdeville
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Dans un contexte où l’urbanisme est soumis à une pression environnementale croissante, il est important de considérer le rôle stratégique de la nature dans la ville.

Les trames vertes symbolisent ces enjeux et sont aujourd'hui considérées comme des infrastructures environnementales à part entière.

Elles apportent des bénéfices concrets à plusieurs niveaux : soutien à la biodiversité, adaptation climatique, valorisation foncière, amélioration de la qualité de vie… Pourtant, elles restent encore trop souvent sous-estimées ou ajoutées en fin de chaîne, comme une contrainte paysagère plus qu’un levier stratégique.

Qu’appelle-t-on vraiment une “trame verte” ?

Le terme “trame verte” est parfois utilisé de manière générique pour désigner tout espace végétalisé. En réalité, sa définition est bien plus précise : il s’agit d’un réseau continu d’espaces naturels ou semi-naturels, conçu pour connecter les habitats du vivant et permettre la circulation des espèces, qu’elles soient animales ou végétales.

Continuités écologiques, Source :Théma environnement, “Définition de la Trame Verte et bleue” .

La trame verte s’inscrit dans le cadre plus large des trames vertes et bleues (TVB), définies à l’échelle nationale par le Grenelle de l’Environnement, puis déclinées dans les documents d’urbanisme locaux (SRADDET, SCOT, PLU, etc.).

Concrètement, une trame verte peut prendre plusieurs formes :

  • une haie bocagère reliant deux boisements agricoles ;
  • une lisière forestière préservée à la marge d’une zone d’activités ;
  • un alignement d’arbres urbains structurant un axe de mobilité douce ;
  • une coulée verte traversant un quartier, connectée à un parc ou un jardin partagé.

L’important n’est pas tant l’aspect végétalisé que la cohérence écologique : une trame verte est fonctionnelle si elle permet la continuité des milieux naturels, la mobilité des espèces, et l’interconnexion des habitats.

Par exemple, à l’est de Nantes, le quartier Bottière–Pin Sec bénéficie d’une profonde transformation urbaine intégrant une trame végétale de 2 km. Porté par la Ville et la Métropole, ce projet vise à désimperméabiliser les sols, créer des espaces publics plus ombragés et planter plus de 1 000 arbres d’ici 2026. Le cœur de quartier, les rues et les squares (Grande Noue, Grande Garenne, Augustin Fresnel) sont repensés pour favoriser la fraîcheur, la convivialité et une meilleure résilience face au changement climatique.

Illustrations de la future trame végétale du quartier Bottière–Pin Sec, Source : Nantes Aménagement https://www.nantes-amenagement.fr/2025/03/13/bottiere-pin-sec-une-nouvelle-trame-vegetale-au-coeur-du-quartier/.

En somme, une trame verte, c’est une infrastructure vivante. Elle relie les paysages et connecte les usages, tout en soutenant la résilience des territoires.

En quoi les trames vertes créent de la valeur ?

Une plus-value foncière et immobilière tangible

Intégrer une trame verte cohérente dans un projet d’aménagement dépasse la simple dimension écologique : c’est un véritable levier économique. Plusieurs études montrent que la proximité d’espaces verts bien conçus peut augmenter la valeur des biens immobiliers de 5 à 15 %. Cette plus-value s’explique par plusieurs facteurs : un cadre de vie plus agréable, une meilleure gestion des températures estivales grâce à l’ombrage naturel, un air plus pur, mais aussi la possibilité pour les habitants de pratiquer la marche ou le vélo dans un environnement sécurisé et connecté.

Les quartiers dotés de trames vertes fonctionnelles attirent davantage les habitants et les investisseurs, ce qui se traduit par une commercialisation plus rapide des lots et une valorisation accrue des biens.

Des économies réelles sur les coûts liés au changement climatique

Les trames vertes jouent un rôle majeur dans l’adaptation au changement climatique, notamment dans les zones urbaines où les îlots de chaleur, les risques d’inondation et la pollution atmosphérique sont particulièrement prégnants. En favorisant la circulation de l’air, en apportant de l’ombrage et en permettant une meilleure infiltration de l’eau, elles réduisent significativement ces effets néfastes.

Ces fonctions naturelles permettent de diminuer les besoins en infrastructures lourdes et coûteuses, comme les systèmes de climatisation ou les bassins de rétention des eaux pluviales. Ainsi, dans certains projets urbains, l’intégration réfléchie de corridors écologiques permet de réduire les dépenses publiques et privées consacrées à la gestion climatique, tout en augmentant la résilience globale du territoire.

Un levier réglementaire, financier et social puissant

Au-delà de leur impact direct sur le foncier et le climat, les trames vertes constituent un atout stratégique pour accéder à des financements publics et privés. Elles sont en effet valorisées dans les appels à projets liés au développement durable, permettant d’obtenir des subventions de l’ADEME, des fonds européens ou des bonus réglementaires dans les documents d’urbanisme.

Par ailleurs, la présence d’une trame verte bien conçue facilite l’obtention de labels environnementaux reconnus, tels que le Label Bas Carbone, BREEAM ou BiodiverCity, qui valorisent la performance écologique du projet. Ces labels ouvrent souvent droit à des avantages fiscaux et renforcent l’attractivité commerciale.

Mais l’intégration des trames vertes dépasse la seule logique incitative : elle est aussi devenue un vecteur structurant de la planification urbaine. Dans de nombreux territoires, leur inscription dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) ou les schémas de cohérence territoriale (SCoT) permet de traduire les objectifs de résilience écologique à l’échelle des documents réglementaires. Cela se matérialise par un "fond vert" dans les documents cartographiques d’urbanisme, désignant les zones à préserver, renaturer ou valoriser sur le plan écologique.

Ce fond vert devient un outil d’arbitrage essentiel entre développement urbain et protection des continuités écologiques. Il permet d’éviter les ruptures de corridors, d’encadrer l’étalement urbain, et d’orienter les projets d’aménagement vers des formes plus compactes, plus végétalisées et plus sobres. En cela, il sert aussi les objectifs de lutte contre les îlots de chaleur, de gestion des eaux pluviales, et d’amélioration du cadre de vie.

Enfin, au-delà du cadre réglementaire, les trames vertes offrent un levier de dialogue avec les citoyens et les acteurs du territoire. Elles cristallisent des attentes croissantes en matière de nature en ville, de santé environnementale et de qualité des paysages. Leur co-construction avec les habitants, les agriculteurs ou les associations locales renforce l’acceptabilité des projets et ancre l’aménagement dans une vision plus durable, partagée et vivante du territoire.

Valoriser les trames vertes dès la phase projet

Une conception stratégique dès les premières esquisses

La clé pour tirer pleinement parti des trames vertes est de les intégrer dès la conception initiale du projet, et non comme un simple ajout en fin de processus. Dès la phase de projet, il est essentiel de réaliser un diagnostic précis du territoire : repérer les boisements, haies, zones humides, friches ou jardins qui participent déjà à la trame écologique.

Dans le cadre du projet Es’PAS de Biodiversité, le Port Autonome de Strasbourg, avec l’appui d’ODONAT Grand Est et de partenaires locaux, a mené en 2022 un diagnostic de la trame arborée et prairiale sur son territoire. À partir d’analyses cartographiques et de prospections de terrain, le projet a permis d’identifier les zones à enjeux pour la faune (écureuil roux, papillons de jour) et de proposer des actions concrètes pour renforcer la connectivité écologique : radeaux à sternes, gestion différenciée, valorisation des friches. Certaines recommandations sont déjà en cours de mise en œuvre depuis 2023.

Photographie aérienne illustrant les infrastructures portuaires. Source : Port Autonome de Strasbourg. https://www.strasbourg.port.fr/outils/mediatheque/images/strasbourg/.

Ces éléments peuvent donc être cartographiés à l’aide d’outils modernes, comme l’imagerie satellitaire. Cette analyse fine permet d’identifier les corridors écologiques à préserver et de prévoir leur connexion aux futurs espaces verts.

Optimiser la continuité et la fonctionnalité écologique

Le travail ne s’arrête pas à la simple identification des éléments existants. Il faut veiller à créer une trame cohérente, continue et fonctionnelle, qui permette la circulation du vivant et assure une bonne connectivité entre les différents espaces naturels.

Cela implique de penser la trame verte comme un réseau, en évitant les ruptures ou les îlots verts isolés. Par exemple, la conservation d’une haie bocagère entre deux parcelles agricoles, ou encore la création d’alignements d’arbres entre des zones urbaines peuvent constituer des maillons essentiels du réseau.

Cette démarche, au-delà de ses bénéfices écologiques, améliore la qualité de vie des habitants en leur offrant des continuités paysagères et des corridors verts pour se déplacer à pied ou à vélo. Sur le plan social, les trames vertes améliorent en effet la qualité de vie des habitants et participent ainsi à une meilleure acceptabilité des projets par les citoyens.

Piloter la trame verte avec des indicateurs précis

Une fois conçue, la trame verte doit être gérée et suivie comme une infrastructure à part entière, avec des indicateurs clairs permettant de mesurer son efficacité et sa valeur ajoutée.

Ces indicateurs peuvent porter sur la longueur des corridors connectés, la superficie des espaces verts créés ou préservés, la diversité des habitats, ou encore les bénéfices climatiques apportés (réduction des îlots de chaleur, gestion des eaux pluviales). Ils facilitent la communication auprès des financeurs, des autorités publiques et des habitants, en justifiant l’intérêt des choix d’aménagement.

Ce pilotage permet aussi d’ajuster le projet en temps réel, d’optimiser les ressources engagées et de garantir un impact durable et mesurable.

Trames vertes : changer de regard pour construire un avenir durable

Penser la trame verte, ce n’est pas simplement “faire joli avec du vert”. C’est au contraire dessiner un territoire plus robuste, plus respirable, et plus attractif. C’est faire le choix d’un urbanisme qui articule harmonieusement nature et développement, plutôt que de les opposer.

La trame verte devient ainsi une véritable infrastructure stratégique. Chez Netcarbon, notre mission est d’accompagner les porteurs de projets en mettant la donnée au service du vivant. Nous aidons à identifier, renforcer et valoriser les trames vertes, de façon mesurable, durable et efficace.

Il est temps de considérer la trame verte comme la première infrastructure naturelle de vos projets d’aménagement et de renaturation.

Sources

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